Clarisse Serre
Avocate depuis 1995, elle exerce au sein du barreau de la Seine-Saint-Denis depuis 2013. Elle dirige le département de droit pénal du cabinet Serre & Boulebsol, à Bobigny. Figure de la défense pénale en France, elle s’est illustrée dans de nombreux procès d’importance. Spécialiste de la procédure pénale, elle est membre du comité directeur de l’Association des Avocats Pénalistes (ADAP). Elle est également conseillère pour la série « Engrenages » sur Canal+.
Liens avec les féminicides
De par sa fonction et sa notoriété dans le domaine du droit pénal français, elle a été plusieurs fois appelée à s’exprimer sur la question des féminicides et de la potentielle introduction du crime de féminicide dans le Code Pénal français.
Positionnement
Elle s’oppose à l’introduction du crime de féminicide dans le droit pénal français, elle considère que ce terme n’est « qu’un outil de communication politique » ou même le reflet d’une « idéologie militante » et ne devrait pas devenir le nom d’un crime spécifique.
Ressources
En octobre 2019, elle écrit un article aux côtés de Charles Evrard, élève avocat, publié chez Dalloz Actualités et intitulé « Non, le féminicide ne doit pas être pénalement qualifié ». Celui-ci recevra beaucoup d’échos positifs sur les réseaux sociaux. Les arguments alors avancés sont les suivants :
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Le terme féminicide tel qu’employé dans les médias regroupe les hypothèses de meurtres d’une femme par un homme, parce qu’elle est femme, or il existe de nombreuses variantes de ce meurtre, qui parfois échappent au « caractère universel de la violence masculine » : certaines hypothèses existantes ne sont pas prises en compte par ce terme.
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Le terme féminicide oublie parfois la diversité des situations personnelles, et notamment la question des personnes transgenres et non binaires : or si l’on intègre le féminicide au droit, on doit aussi y intégrer une définition du masculin et du féminin, ce qui est loin d’être évident.
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La possibilité de conflit de qualification entre le féminicide et le crime raciste : quid du meurtre d’une femme racisée ?
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Un acte tel qu’un meurtre ne peut pas être réduit à une dimension politique : le terme ne refléterait pas la « complexité des interactions humaines, familiales et sociales ».
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Le terme risque de réduire un acte à un motif unique, celui de la haine des femmes, alors que certaines situations sont plus complexes que cela : un homme pourrait tuer une femme non pas en raison de son sexe mais pour une raison tout à fait étrangère à cet état : le droit ne doit pas juger seulement un acte, mais aussi la personne qui l’a commis.
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L’introduction de ce terme serait une atteinte au principe d’universalisme du droit et d’égalité des citoyens devant la loi pénale, inscrit dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : si on cherche à associer au terme une répression plus sévère, alors ce principe est de fait violé, et dans le cas contraire, la codification est inutile. L’idée même d’une répression plus sévère porterait en elle l’idée selon laquelle il est plus grave de tuer une femme que de tuer un homme.
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L’introduction de ce terme serait redondante en raison de la circonstance aggravante déjà existante dans le Code pénal, dans le cas où une femme est tuée par son conjoint ou ex-conjoint, mais également quand le crime est commis pour des raisons de sexe ou de genre. Selon l’auteur, ce texte est suffisant et satisfaisant, puisqu’il ne s’agit pas de créer une nouvelle infraction autonome.
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Le problème n’est pas l’absence d’une incrimination indépendante mais le manque de moyens dont dispose la Justice.
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Risque de faire des femmes des victimes systématiques.
« Si l’on écrit que le féminicide est un crime spécifique, car un homme tue une femme parce que c’est une femme, cela remet en cause l’universalisme du droit. En plus, ce n’est pas juste, car un homme ne tue pas une femme, mais sa femme. Je me méfie des excès et des généralités. »
Clarisse Serre dans l'article « Féminicide : le pouvoir d'un mot. » de M Le Magazine du Monde, 23 novembre 2019, pp. 64-69.