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L'enquête

En février 2020, nous choisissons de travailler sur le féminicide.

Démarrent alors plusieurs mois d’enquête. La première étape de notre travail a consisté à tenter de cerner les contours de ce phénomène que nous pensions connaître. Nous nous sommes rapidement aperçu de la profondeur de ce sujet et de l’étendue des questions qu’il posait. C’est ce qu’a révélé la première étape de notre travail, qui consistait en la rédaction d'un dossier préliminaire d’une quarantaine de pages. Dans celui-ci figuraient alors toutes nos premières recherches et les premiers positionnements que nous avons rencontrés, sur la base notamment d'une littérature grise. 

 

La suite de notre travail a consisté à identifier les points de désaccord entre les acteur.ice.s de la controverse, à rechercher les différentes prises de position, et les arguments avancés. Pour cela, nous avions décidé de se répartir entre nous les différents domaines d’études touchant au féminicide. Nous avons donc d’abord opté pour une approche disciplinaire, qui nous a semblé la plus accessible à cette étape de l’enquête. Pour approfondir notre travail et lui donner une dimension plus directe, nous avons pris contact avec certaines actrices de la controverse dont nous souhaitions recueillir la pensée. 

 

Est ensuite venu le temps de la mise en forme de ce travail de fond, pour aboutir finalement au site que vous êtes en train de visiter. C’est à ce moment-là que nous avons décidé d’abandonner la lecture disciplinaire pour proposer une vision transversale et la plus complète possible du sujet. 

Dans le cadre de notre enquête, nous avons mené des entretiens avec les actrices suivantes :

Aurélie Latourès

Chargée d’études à l’Observatoire régional des violences faites aux femmes d’Ile-de-France, rattachée au Centre Hubertine Auclert (Centre francilien pour l'égalité femmes-hommes, Saint-Ouen-sur-Seine)

 

Notre entretien avec elle avait pour but de mieux comprendre comment un observatoire territorial procède au comptage ; comment il appréhende les productions des autres instituts, mais aussi des collectifs, associations et journaux ; comment, pourquoi, et à qui il communique ses productions.

 

Catherine Le Magueresse

Juriste, militante pour l’inscription du féminicide dans le Code pénal, chercheuse en sciences juridiques.

 

Nous avons mené cet entretien afin d’approfondir les arguments qu’elle a déployés pour se positionner favorablement à l’introduction du crime de féminicide dans le Code pénal, et les enjeux derrière cette catégorie pénale.

 

Gwénola Ricordeau

Professeure assistante à la California State University, États-Unis, depuis 2017. Ses recherches portent notamment sur les proches des personnes incarcérées, la sexualité en prison et les contestations du système carcéral. 

 

Avoir un entretien avec elle nous permettait de comprendre son positionnement abolitionniste et ses propositions pour une « justice transformative » dans le cadre de la lutte contre les féminicides.

 

Margot Giacinti

Doctorante en science politique à l’ENS de Lyon. Elle s’intéresse au concept de féminicide et aux enjeux socio-historiques de sa catégorisation juridique en France, de la Révolution française à nos jours.

 

Nous la plaçons comme actrice et experte puisqu’elle mène actuellement une thèse sur les féminicides, intitulée provisoirement « Le féminicide : enjeux socio-historiques d’une catégorisation juridique dans l’espace francophone, de la Révolution française à nos jours ». Notre entretien avec elle a eu pour but de mieux comprendre les controverses autour du féminicide et d’approfondir les recherches dont elle a eu la gentillesse de nous faire part.

Saide Mobayed

Candidate au doctorat en sociologie à l'université de Cambridge, elle travaille sur les intersections entre la violence contre les femmes et les filles, la mondialisation et les technologies numériques. 

Actuelle rédactrice en chef et gestionnaire de contenu du Global Knowledge Hub to Prevent and Eliminate the Gender-related Killing of Women and Girls, elle a collaboré au projet Gender and Justice de l'UNODC Mexique et est un membre actif de l'équipe de liaison de l'Academic Council on the United Nations System (ACUNS) à Vienne sur les féminicides depuis 2016. 

 

Notre entretien nous a permis de comprendre la dimension transnationale du comptage, de la définition du féminicide et de la manière dont le « fem(in)icide », souvent définie comme le meurtre de femmes lié au sexe, a été conceptualisé et quantifié dans différents espaces, en particulier au Mexique. 

Yael Mellul

Avocate pénaliste, spécialiste des violences conjugales, et fondatrice de l’association « Femme et Libre ». Elle est à l’origine de l’introduction dans le Code pénal, par la loi du 9 juillet 2010, du délit de violence conjugale à caractère psychologique.


Notre entretien avait pour but de mieux comprendre les revendications du groupe de travail qu’elle a co-dirigé pendant le Grenelle contre les violences faites aux femmes, de connaître ses réflexions concernant une définition de l’emprise que les juges pourraient utiliser, et comment le suicide forcé pourrait être reconnu dans les tribunaux.

La littérature scientifique

et académique

Notre navigation à travers la littérature disponible sur le sujet

Dans un premier temps, nous avons effectué nos recherches documentaires par disciplines, d’une manière relativement cloisonnée, afin d'explorer chacune un thème particulier avec le plus de profondeur possible. Nous avions alors retenus cinq thématiques principales autour desquelles articuler nos recherches, puis nos lectures : Politique et Public, Droit, Sociologie, Psychiatrie / Victimologie / Criminologie, et International. Pour chacune de ces catégories, nous avons utilisé les bases de données académiques françaises, et notamment Cairn et Open Editions, mais également des plateformes spécialisées, comme Dalloz pour le droit. Pour effectuer ses recherches, il nous a fallu maîtriser à priori le vocabulaire du féminicide, afin d’utiliser les mots-clés pertinents : ainsi, « féminicides », « fémicide », « gender related killings », « meurtres conjugaux », ou encore « morts au sein du couple », « uxoricide », ou encore « crimes passionnels », ont pu être utilisés. 

 

L’actualité du sujet nous a également beaucoup aidées, notamment pour les recherches en terme de politiques publiques, qui ont commencé par l’analyse du Grenelle des violences faites aux femmes. Nous y avons découvert l’action de plusieurs associations au sujet du féminicide, ce qui a orienté nos recherches vers les prises de paroles de celles-ci. 

 

Nous nous sommes très vite rendu compte que la question de l’introduction du féminicide dans le Code pénal était un élément central de la controverse, et nous avons donc orienté nos recherches juridiques dans ce sens. Nous avons alors eu l’occasion de lire de nombreuses prises de positions de la part de juristes, avocat.es ou magistrat.es sur le sujet, à la fois dans des articles de doctrine, ou dans des jugements rendus. 

 

Nous nous sommes intéressées à l’analyse historique du phénomène, mais également à son traitement médiatique. Progressivement, nous nous sommes aperçues que les chiffres que l’on pouvait rencontrer au cours de nos recherches variaient, parfois beaucoup, en fonction de l’organisme qui assurait le comptage. Nous avons donc souhaité creuser cette question, en recherchant les différents comptages qui existent et en comparant leurs méthodes, afin de comprendre en quoi ces résultats divergents découlaient d’une définition variable du féminicide. 

 

En psychologie, il a d’abord été question d’étudier les conséquences des violences et des phénomènes d’emprise pour les victimes, avant d’interroger ensuite les savoirs spécialisés d’un point de vue criminologique, ou en tout cas du point de vue des enjeux et implications pour les auteurs de féminicides. Les résultats ont notamment mis en évidence l’importance des champs de la psychologie clinique, de la psychiatrie, et de la psychologie sociale. 

 

Dans plusieurs des champs de recherche précités (notamment en criminologie et en sociologie), nous nous sommes rendu compte de l’importance de la recherche étrangère sur le sujet, notamment au Canada et en Amérique latine. Malgré notre décision de centrer notre étude sur la France, nous avons souhaité observer les méthodes de comptage utilisées à l’étranger pour des études transnationales sur le féminicide. 

Des occurrences de recherche

Pour mieux concevoir le moment de prise en forme de la controverse « féminicide », nous avons utilisé Google Trend et Factiva afin d'avoir un aperçu initial. Pour vous permettre de visualiser au mieux ces données, le navigateur Chrome est recommandé.

Google Trend​

Pour comparer les occurrences de recherche, sur le navigateur Google, du terme féminicide et des termes qui l'entourent, nous avons sélectionné ces mots suivants pour créer un parallèle : féminicide, crime passionnel, homicide et uxoricide. Nous avons aussi fait une démarche initiale de comparaison entre la France et le reste du monde.

 

  • En France, il y avait une émergence rapide de recherche du mot-clé « féminicide » depuis mai-juin 2019, qui a dépassé la recherche du mot « homicide » pendant presque 3 mois (de septembre 2019 à décembre 2019)

  • L'occurrence de recherche du terme « féminicide » a atteint son sommet vers novembre, 2019.

  • Dans « tous les pays » : On constate l’occurrence de recherche du mot « femicide » (terme anglophone) a atteint son pic en septembre 2019

Factiva

 

Ensuite, pour complémenter cette démarche avec un outil plus académique, nous avons donc utilisé la bases de données Factiva pour visualiser rapidement les dates de publications des articles, également les principaux sujets traités et les acteurs concernés.

Résultats Factiva pour des requêtes en français :

Mot-clé: « féminicide », depuis 5 ans, 2978 résultats.

Factiva1.png
FActiva2.png

Dans le premier cas de recherches en français, on constate un intérêt qui augmente drastiquement en 2019. Le deuxième diagramme montrent que les organisations internationales, les associations militantes et les médias ont joué un rôle important dans la prise en forme de la controverse dans la société. Le nuage des mots suggère qu’en France, la définition du mot «féminicide» est fortement lié au cadre d’une relation intime.

Résultats Factiva pour des requêtes en anglais :

Mot-clé: “femicide”, depuis 5 ans, 16 301 résultats.

FactivaAnglais.png

Dans le deuxième cas de recherches en anglais, on constate un intérêt croissant qui se dessine au fil des années, l’année 2019 est particulièrement marquante. Les Nations Unies occupent toujours la première place comme acteur principal, qui est suivi par d’autres acteurs institutionnels et internationals. Le nuage des mots suggère que la définition de « femicide » (terme anglais) est une forme de violence basée sur le genre, qui prend forme de violence domestique. Le dernier diagramme montre le statut alarmant de Mexique dont le résultat dépasse largement les autres pays du monde, ce qui conduit à notre troisième recherche.

Résultats Factiva pour des requêtes en espagnol/portugais :

Mot-clé: « feminicidio », depuis 5 ans, 68 845 résultats.

Factiva_Espagnol.png

Dans cette recherche en espagnol/portugais, on constate une tendance assez similaire au cas précédent (recherche du terme «féminicide» en anglais), qui se traduit par une augmentation d’intérêt au fil du temps, dont l’année 2019 est particulièrement marquante avec un nombre de 26 970 résultats. L’acteur « Mexico Ministry of Interior » occupe la deuxième place suivant les Nations Unies. Le nuage des mots indique que le sujet du féminicide est fortement lié à la «loi sèche» (la ley seca, interdit à tous les citoyens la consommation d'alcool pendant et après la tenue des élections), aux cas variés (« distintos casos »), à la violence domestique, aux zones rurales et à la maltraitance familiale, etc.

 

Ces résultats nous ont éclairées sur la temporalité de prise en forme de la controverse «féminicide» et sa définition, pour ensuite approfondir nous recherches.

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